Il n'aura laissé ni comédie musicale, ni concert filmé, ni film-opéra. Mais Kubrick restera comme le plus musical des cinéastes, par son génie de l'utilisation de la musique classique, indissociable des images de trois de ses chefs-d'oeuvre des années 70. Trois films dont les bandes originales battront des records de ventes, contribuant à amplifier le succès et l'impact de 2001, Orange mécanique et Barry Lyndon, et surtout à redonner à la musique classique une puissance de fascination alors perdue au profit de la musique pop. Cette façon d'organiser tout un film autour de musiques choisies, pour diffracter ou prolonger les effets de sens d'une scène à l'infini, restera la signature de Kubrick.
Dès 1968 et 2001, le maître faisait mouche. Les crescendos de vents et de cuivres d'Also Sprach Zarathustra de Richard Strauss ouvraient une brèche dans l'espace intersidéral habité par les stridences contemporaines de trois pièces de Ligeti, tandis qu'un os préhistorique se transformait par la magie d'un raccord en vaisseau Discovery, évoluant avec la majesté d'un cygne au son du Beau Danube bleu de Johann Strauss. Avec Orange mécanique, l'utilisation de la musique classique questionne les rapports civilisation-barbarie. Alex, pur produit de la middle-class, atteint l'orgasme en s'abandonnant à l'ultraviolence, au sexe et à la musique de Beethoven. Aussi bien Purcell, emblématique de l'Angleterre victorienne, que la Neuvième , représentatif de la foi humaniste dans les Lumières se voie