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Libération
Interview

La réforme mise en examen. Trois magistrats soulignent les effets pervers du projet de loi Guigou. Patrick Desmure: «Une défense toute-puissante réservée à quelques-uns». Jean-Claude Kross: Les «réalités du terrain»oubliées. Hubert Dalle: Les dangers des instructions accélérées.

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publié le 23 mars 1999 à 0h15

Patrick Desmure: «Une défense toute-puissante réservée à

quelques-uns»

«Le texte contient quelques points positifs, notamment le statut du témoin assisté, qui est élargi et précisé. Ou les dispositions sur la communication et sur les atteintes à la dignité des victimes. En revanche, je suis très réservé sur le nouvel équilibre créé entre le juge et les parties. Notre tradition judiciaire confie au juge d'instruction, indépendant, la tâche d'enquêter sur les affaires les plus importantes en rassemblant les éléments à charge et à décharge. Cette procédure inquisitoriale était au départ considérée comme une garantie pour les justiciables. Dès l'instant où des citoyens étaient de condition modeste, le fait que le juge instruise devait les dispenser d'avoir à assumer eux-mêmes la charge de leur défense. Or, toute une évolution législative par strates successives aboutit à une procédure de plus en plus contrôlée par les parties, de moins en moins inquisitoriale en ouvrant une place à la défense pendant toute l'enquête: possibilité de demander des actes, de soulever des nullités, d'avoir l'assistance d'un avocat. Le projet, en accroissant le pouvoir des parties et en diminuant ceux du juge, fait pencher la balance dans l'autre sens. De là, le juge d'instruction ne serait plus qu'une sorte d'arbitre des demandes des parties. Cela entraînera la possibilité d'une défense toute- puissante réservée à quelques-uns. Déjà, aujourd'hui, on le voit bien. Ce sont toujours dans les mêmes affaire