Tetovo envoyé spécial
Les bras ballants, le regard vide, sans échanger un mot, Azem et Ismaïl veillent leur village comme on honore un mort. Image poignante de l'impuissance. Hier paysans, aujourd'hui réfugiés, chaque jour, sur cette colline de Macédoine, ils passent de longues heures à contempler leurs foyers, fermes blanches aux toits de tuiles, sur le versant d'en face, à portée de voix, inaccessibles. La frontière court dans le thalweg et les soldats de l'armée serbe au Kosovo ont vidé les hameaux qui la bordent de leur population albanaise. «A midi samedi, des policiers sont passés dans les rues en criant aux gens de sortir», raconte Kalisi Gaffur, un habitant de Seçishte rencontré hier dans la mosquée de Tetovo. «Ils nous ont dit que les militaires allaient bombarder le village et que nous avions deux heures pour partir. Nous nous sommes rassemblés dans la rue, tous, à l'exception de Faïk Premi, qui était occupé aux champs et ne savait pas ce qui se passait.»
Depuis plusieurs semaines, les deux cents familles de la commune se préparaient au pire. «Les jeunes, les femmes et les enfants avaient déjà quitté le pays, explique Kalisi Gaffur, seuls les hommes et les vieillards étaient restés pour s'occuper des bêtes.» Avec le début des frappes aériennes, la tension est montée d'un cran. «Beaucoup de militaires sont arrivés, poursuit Kalisi. L'armée a commencé à brûler les villages proches de la frontière. Jeudi, pendant que nous étions au travail, les soldats sont entrés dans