La cloche de l'église Saint-Save sonne. Rassemblés par petits
groupes sur les trottoirs, journal sous le bras et téléphone portable dans la poche pour joindre à tout moment la famille, les hommes interrompent un instant leurs discussions et se signent plusieurs fois de suite. L'église serbe orthodoxe de Paris, dans le 18e arrondissement, connaît l'affluence des dimanches ordinaires. A l'intérieur, seul le nombre inhabituel de cierges, au pied des icônes, traduit les angoisses et les inquiétudes pour ceux qui sont là-bas. Devant un petit guichet, dans une épaisse odeur d'encens, les femmes se pressent pour les acheter. «Nous échangeons des nouvelles, nous prions pour que cela cesse et aussi pour notre patrie. Se retrouver ici nous soulage. Nous partageons entre nous notre douleur», explique tranquillement un fidèle, Branco Breçin, amer contre le gouvernement français. «Quand je suis parti pour chercher du travail, j'ai demandé à ma famille où il fallait aller, entre l'Allemagne et la France. Mon père m'a dit: "Va en France parce que là sont nos amis. Mais, aujourd'hui, je ne le crois plus.» «Aller me battre.» Le ton monte, d'autres personnes viennent s'agglutiner au groupe. Les esprits s'échauffent. «Ce gouvernement est pourri. Ce sont des fascistes comme tous les sociaux-démocrates. Chirac se fait mener par le bout du nez par Clinton. Il n'a plus le droit d'aller sur la tombe de De Gaulle. Il n'en est pas digne», lance un homme âgé. «Le Kosovo est à nous. Tout ce qu'on poss