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Libération

Au Monténégro, témoignages sur le nettoyage ethnique. Des expulsions systématiques, méthodiques.

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publié le 31 mars 1999 à 0h21

Rozaje, envoyée spéciale.

La vieille femme éclate en sanglots. Le nouvel autobus bondé arrivé de Pec, la plus grande ville de l'ouest du Kosovo, n'amène pas, lui non plus, ses cinq fils et leurs femmes, dont elle n'a plus de nouvelles depuis qu'elle a quitté samedi sa maison à la pointe du fusil. Une foule serrée attend comme elle, inquiète. La gare des autobus de Rozaje, petite ville du Monténégro peuplée de musulmans, des slaves islamisés, est devenue le lieu le plus animé de la bourgade.

Les uns sont venus en voiture, les autres à pied, hébétés de fatigue, sans bagages, les derniers en autobus. Ils cherchent un proche où s'inquiètent d'un hébergement impossible. La mosquée est pleine à craquer, les écoles aussi. Lundi soir, on estimait à 17 000 le nombre de réfugiés arrivés depuis l'intervention de l'Otan, dont 10 000 pour la seule journée de lundi. Hier, quelques milliers s'y sont ajoutés.

«Ne fermez pas à clef.» Les réfugiés racontent tous la même histoire. La police, les paramilitaires, la Kalachnikov pointée. «Dehors, et ne fermez pas vos portes à clef», ont lancé à la famille Krasniqi des miliciens cagoulés de noir. Toute la rue a fait ses paquets et s'en est allée. Les réfugiés disent tous avoir vu des maisons pillées et saccagées, des demeures incendiées. Aucun ne dit avoir vu de cadavre. Aucun ne raconte qu'on aurait séparé les hommes et les femmes, déchiré leurs papiers d'identité. D'ailleurs, les hommes jeunes sont très nombreux.

L'exode est massif, la dépopulation