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Libération

En Albanie, les réfugiés quittent la région frontalière pour gagner la capitale, Tirana. Sur les routes de l'exil, l'espoir malgré tout.

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publié le 31 mars 1999 à 0h21

Kukes, envoyé spécial.

Sadri Kashi, un paysan kosovar d'une cinquantaine d'années, a arrêté sa vieille Lada essoufflée sur le bord de la route de montagne. Il ne sait pas quoi faire de ses mains. Il les passe sur sa barbe de deux jours, les plonge dans les poches de son blouson de cuir, puis les pose sur sa voiture sale, le seul bien qui lui reste. Il vient de passer la frontière albano-kosovar et se rend à Tirana, à l'instar de milliers d'autres réfugiés du Kosovo que l'on a vus passer hier, dans les camions de l'armée albanaise, dans les autocars réquisitionnés ou dans des convois de remorques tirées par des tracteurs. A peine arrivés à la ville frontalière de Kukes (5 000 à 6 000 réfugiés seraient arrivés hier, après la réouverture de la frontière par les autorités serbes), les réfugiés sont acheminés vers les grandes villes albanaises.

A Tirana, une dizaine de milliers d'Albanais s'entassent déjà dans le gymnase et dans l'un des parcs de la capitale. Beaucoup logent chez l'habitant.

La femme de Kashi et ses deux filles sont blotties derrière la voiture, emmitouflées malgré la chaleur du soleil de la mi-journée. A l'avant, est assis son père, coiffé du qeleshe, le chapeau traditionnel en forme d'ogive que portent les Albanais. «C'était terrible", commencent-ils. Les militaires serbes ont tiré des obus incendiaires sur notre village et, en cinq minutes, tout le monde a dû partir.» Kashi vient de At-Magja, petite bourgade de la banlieue de Prizren (50000 habitants). La ville