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Libération

En Macédoine, une institutrice kosovar raconte la peur puis la fuite. «Questionnés dans la rue, pistolet sur la tempe».

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publié le 31 mars 1999 à 0h21

Blace, envoyé spécial.

Elle pleure. S'en excuse. Reprend son récit, lèvres tremblantes, trébuchant sur les mots qui se bousculent, avide de dire et de décrire. Trop vite, trop tôt. Sa voix se coince. Nouveau spasme, nouvelles larmes, nouveau sourire contrit. Cette institutrice de 26 ans, enseignant dans une école illégale créée par les Albanais, à Mitrovica, vient de franchir la frontière macédonienne, accompagnée de son mari et de son frère, après avoir traversé la moitié du Kosovo. Ereintée, nerveusement épuisée, mais dotée d'une force de caractère peu commune, elle livre son témoignage à la presse comme on jette une bouteille à la mer. Avec le secret espoir d'être entendue. «Mitrovica est une ville de 60000 âmes, et l'on n'en voit plus une seule dans les rues. Seulement des militaires, partout, et des policiers. Les Albanais restent enfermés dans leurs maisons. Au début des bombardements, nous sortions rapidement le matin. Jamais l'après-midi. Puis les paramilitaires sont arrivés, samedi. Des civils avec des uniformes et des cagoules sur le visage. Ils ont commencé à piller les magasins, à les brûler, à peindre des menaces sur les murs comme ­excusez-moi­ "l'Otan vous baise ou d'autres horreurs. Ensuite, ils ont interpellé des passants sur les trottoirs, les attrapant par les cheveux pour les questionner, un pistolet sur la tempe. Ils ont battu des gens, mais ils n'ont tué personne dans la rue. Le soir, ils rentraient dans les appartements, exigeant tout l'argent, les bi