Londres, de notre correspondant.
Alors que politiciens, commentateurs, experts et anciens généraux débattent à longueur de colonnes des fins et moyens de la guerre, le monde des penseurs est resté quasi muet. Boyd Tonkin, rédacteur en chef littéraire de l'Independent et grand connaisseur de la planète intellectuelle britannique, se désole de ce grand silence, à peine entamé par une lettre de Harold Pinter, une déclaration de Vanessa Redgrave ou un commentaire de Germaine Greer. «Ce n'est pas un manque de courage, mais je pense que les intellectuels britanniques jugent l'affaire trop complexe, trop confuse, pour s'exprimer; le Kosovo est un dossier qui ne se prête pas au manichéisme, on est plutôt dans le gris que dans le noir et blanc, il y a moins de prises de position que pendant la guerre du Golfe.» Cette difficulté s'est traduite pour les rares artistes osant braver ce voeu de silence par des déclarations inattendues où les pacifistes de gauche rejoignent les conservateurs isolationnistes. Ainsi, Harold Pinter, sollicité par Libération, a lancé une violente invective antiaméricaine publiée dans le «courrier» du Guardian où il condamne à la hache l'intervention de l'Otan. Selon le dramaturge, «Milosevic a refusé de lécher le cul de Clinton et a été puni», des formules qui l'ont fait accuser de scatologie par des lecteurs indignés qui auraient préféré une analyse plus serrée de l'un des plus grands écrivains du pays. Dans ce combat, Pinter se retrouve au côté de Norman Ston