Poste frontière de Morina, envoyé spécial.
Ils sont arrivés lentement, derrière les tracteurs. Quatre enfants d'abord, engoncés dans des survêtements qui n'en étaient plus. Puis les femmes, une centaine, le visage abruti de douleur et de fatigue, les pieds traînant sur le bitume. Il ne leur reste que 50 mètres à faire, mais l'effort semble insurmontable. Les corps sont cassés, les regards perdus. Sur le bas-côté, un homme est tombé, sous le poids de ses deux valises. Un autre le relève et le traîne jusqu'à la barrière. Fantôme errant d'un exode qui n'en finit pas. La détresse s'est de nouveau frayé un chemin vendredi au poste frontière de Morina. Depuis trois jours, ils sont plus de 5 000 à passer quotidiennement en Albanie. La marée humaine, un moment interrompue, a repris son inexorable voyage vers l'exil. Selon l'OSCE, plusieurs dizaines de milliers de réfugiés kosovars pourraient encore se trouver de l'autre côté, formant un convoi sur plus de 50 km.
Nettoyage implacable. Dans ce Kosovo fermé aux yeux du monde, Slobodan Milosevic poursuit donc ce qu'il avait commencé. Un nettoyage ethnique méthodique et implacable, qui ne laisse rien au hasard. Tous les récits, depuis deux jours, rendent compte d'un pays dévasté, mis à feu et à sang. Surtout, après trois semaines de frappes intensives de l'Otan, les Serbes semblent désormais se préparer à aller jusqu'au bout. Parmi les derniers témoignages, beaucoup assurent que la police et les militaires viennent «prendre du sang aux A