Kukës (Albanie) envoyée spéciale.
«Dans le village, nous étions deux clans familiaux. Ce matin-là, quand les militaires serbes ont encerclé Rakitnica, notre clan est sorti des caves. Il n'y avait que les femmes et les enfants. Les hommes étaient partis deux jours avant, après la première attaque au mortier. Les militaires criaient: "Ne quittez pas vos maisons. Si vous restez, on ne les détruira pas. On ne les a pas crus. Mais je ne sais pas pourquoi, ceux de l'autre clan leur ont fait confiance. Ils sont restés dans les maisons.» Afredita détourne les yeux. La pluie tombe drue sur les tentes du camp albanais. Le ronflement des hélicoptères du HCR (Haut-Commissariat pour les réfugiés) se mêle aux appels des haut-parleurs. «Nous étions environ 500, assis dans un champ, entourés par les camions de l'armée. Pendant trois heures, ils ont lancé des grenades dans les maisons, ils ont tout brûlé. Je ne peux pas dire combien de gens étaient restés. Il y avait aussi des réfugiés d'autres villages.» Enceinte de neuf mois. Dans l'attente, les enfants pleurent en silence. Ils sont treize à être arrivés avec les sept femmes au poste-frontière albanais de Morina, jeudi dernier. Epuisés par sept jours de marche depuis le centre du Kosovo, pratiquement sans manger. Avec sa crinière rousse, Afredita est belle à en faire oublier la marée de boue qui lèche les couvertures. Elle a 21 ans, enceinte de neuf mois. Une cousine plus âgée allaite un bébé. Il y a aussi sa mère, sa belle-mère. Mais ell