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Libération
Éditorial

Perversion.

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publié le 9 juillet 1999 à 23h47

Le petit actionnaire en rêvait, Bercy l'a fait. La

privatisation-cadeau est un concept simple: l'Etat met sur le marché un actif bien dodu, soutenu par une puissante campagne de communication. Elle vantera le potentiel d'une banque, la technicité d'un avionneur, la compétitivité d'un opérateur de téléphone ou d'une compagnie pétrolière; avec l'aide de quelques experts réunis au sein d'une opaque commission ad hoc, la bête est évaluée; du prix obtenu, on retire 15 ou 20%, histoire de favoriser ce que les boursiers appellent «un potentiel d'appréciation». Arrive le jour de la cotation. Bingo! Le titre flambe. Si tout marche bien, ce n'est que le début de l'envolée.

Dans ce vertueux schéma, tout le monde est content: l'Etat, qui voit quelques milliards tomber dans ses caisses; le salarié, qui s'est vu accorder des titres à un prix encore plus avantageux; les investisseurs institutionnels et le petit actionnaire, qui réalisent une plus-value conforme aux canons de la finance puisqu'elle est rapide, sans risque et substantielle.

Si le cas du Lyonnais est la quintessence de ce génial système, il en incarne aussi toute la perversion. Au début des années 90, cette banque a souffert de la gestion aventureuse d'un patron d'autant plus mégalomane qu'il était couvert par l'omertà de l'inspection des Finances. Ce désastre a coûté cher à tous les Français: au bas mot, 6 000 francs par foyer. Sa privatisation, en revanche, a surtout rapporté à quelques professionnels. Dans ce processus, les