Jacques Chirac détient actuellement un record dans la classe
politique française: il est celui qui aura occupé tous les postes électifs de la République. Du plus modeste au plus éminent. Sauf sénateur, mais c'est sans doute faute d'en avoir eu encore le temps.
Et l'on voudrait qu'une aussi belle carrière soit abrégée pour satisfaire les impatiences de ses compagnons, ou pour flatter le goût de Giscard pour les chiffres ronds? Qu'on se le dise, surtout à droite: il n'y aura pas de présidentielle anticipée en l'an 2000, au prétexte d'instaurer le quinquennat. Chirac n'est pas enclin à l'autodissolution.
Il l'est d'autant moins que, finalement, la cohabitation, c'est un peu sa spécialité à lui. A le comprendre, ça durerait même depuis plus de trente ans. Il s'est coltiné Chaban et ses modernistes, Giscard et sa cour, Mitterrand et ses fourberies, les barons gaullistes et leurs complots, Pasqua et ses turpitudes, Séguin et son caractère, les centristes et leurs états d'âme, Balladur et les balladuriens. On en passe des moins connus. Finalement, la seule fois où tout paraissait à peu près en ordre, lui à l'Elysée et son clone à Matignon, ça a tourné à la catastrophe. Alors, trois ans de plus ou de moins avec Jospin" De là à dire que Jacques Chirac est un homme heureux, un cohabitant comblé, serait probablement exagéré, mais est-il si malheureux? Débarrassé des soucis du quotidien, il ne risque plus de grosses bêtises et il peut faire le Président sans trop de contrariétés, entouré