Alger, envoyée spéciale.
Il y a une foule énorme, tout un pays qui fait cercle autour de la scène. Et on se bouscule, on joue des coudes. Au milieu, un type, tout seul, lance des mots, des mots, des mots à n'en plus finir. Plus il parle, plus on l'écoute, 16 millions d'habitants suspendus à un monologue. Depuis un mois, tous les soirs à 19 heures, on allume la télé pour écouter encore ce qu'on a déjà entendu le matin à la radio. Les médias publics, dont il était théoriquement convenu de se railler en Algérie, n'ont jamais eu autant d'auditeurs en quarante ans. Dans ce pays, tout commence par un surnom. Le sien, c'est Mousselssel, le terme employé pour ces feuilletons orientaux trempés dans le miel, qui monopolisaient jusque-là cette tranche horaire des programmes. Le président Abdelaziz Bouteflika a transformé le dernier référendum en une sorte de one-man show. «Quand il parle, je me mets à rêver», explique une femme. «On est transporté ailleurs. Et ici, on a tellement envie d'être ailleurs.»
Cette campagne fut à lui, et à lui seul. Tous les jours, depuis quelques semaines, il tient meeting dans une ville différente, sillonnant le pays avec d'autant plus d'aisance que les partis restés dans l'opposition, comme celui de Taleb Ibrahimi (islam conservateur) ou le FFS (Front des forces socialistes), ont du mal à décrocher des salles, ou alors juste au dernier moment et hors de prix. Ils n'ont pas non plus accès à la télévision. Au café, on s'informe des dates, des horaires, qui s