Pour avoir buté sur le cahot imprévu de l'affaire Michelin, voici
bientôt quinze jours, Jospin en est encore à chercher une roue de secours. De plus redoutables chausse-trapes avaient menacé son parcours soigneusement balisé, d'autres l'attendraient encore, le Premier ministre avait baissé sa garde. Après un quart de siècle de crise économique où on n'a jamais vu un seul gouvernement empêcher durablement un seul licenciement, comment aurait-il pu imaginer qu'on accablerait autant un responsable qui a la modestie et la franchise de se reconnaître aussi dépourvu en la matière que ses prédécesseurs?
L'annonce des réductions d'emplois chez Michelin a choqué parce qu'elle était concomitante à l'annonce de bénéfices importants. De même, l'apparent fatalisme de Jospin a heurté parce qu'il contrastait avec les nombreuses bonnes nouvelles qu'il se flatte par ailleurs d'apporter: l'économie va mieux et l'emploi aussi. Or, loin d'adoucir la dureté de la course à la productivité, l'embellie économique en souligne la cruauté incessante: le remède est non seulement amer mais, désormais, la coupe en paraît sans fond. Depuis deux ans et demi, la gauche revenue au pouvoir a réussi à se conformer à un programme minimaliste mais populaire: traverser la crise en en limitant les dégâts. Bon gré mal gré, les troupes ont suivi: à la guerre économique comme à la guerre. Il reste aujourd'hui à leur expliquer qu'elles n'ont pas d'armistice à attendre sur le front de la concurrence internationale, que