François Ewald est professeur au Conservatoire national des Arts et
Métiers, à Paris, et titulaire de la chaire d'assurances.
Le risque a envahi le discours public comme jamais. On parle de risque zéro, de principe de précaution. Est-ce une bonne nouvelle?
Il est vrai que la notion de risque connaît un succès considérable. Elle est partout, omniprésente, alors qu'il y a trente ans elle restait cantonnée soit aux risques traditionnels de l'assurance, soit aux risques sociaux. Sans doute l'écologie y est-elle pour quelque chose. De fait, la société moderne pense ses problèmes à travers la notion de risque. Tout problème politique tend à se formuler en terme de risque. Tant d'usages font que la notion est utilisée dans des champs très différents. Et que l'on mélange un peu tout.
Quels sont ces différents champs d'intervention?
Nous utilisons la notion de risque pour décrire au moins trois formes d'expériences, trois formes de problématisation de nous-mêmes et de la société. La première est l'expérience morale: le risque est une manière de penser les valeurs, et plus exactement valeur des valeurs: ce qui fait la valeur d'une valeur, c'est ce qu'on est prêt à risquer pour elle. Nous valorisons le courage, la prise de risque, l'esprit d'entreprise. L'autre grande expérience du risque, c'est l'expérience sociale. Le risque est notre manière de penser la répartition des avantages et des charges dans la société. C'est la notion de risque que l'on retrouve dans l'assurance privée ou social