Magistrat et secrétaire général de l'Institut des hautes études sur
la justice, Antoine Garapon répond aux questions de Libération. Des bombardements massifs et indiscriminés comme ceux qui frappent Grozny représentent-ils un crime au regard du droit international?
La première question qui se pose pour un juriste est celle de la nature du conflit. Dans l'ex-Yougoslavie, la guerre était tout à la fois interne et internationale opposant diverses parties d'une entité commune en train de se démembrer et qui avaient été reconnues comme des Etats souverains. En Tchétchénie aujourd'hui, comme auparavant au Kosovo, le cas est différent. Des forces fédérales sont utilisées contre une petite partie de la Fédération qui n'a pas de personnalité juridique internationale. Mais le fait qu'il s'agisse d'un conflit interne, compte tenu de l'évolution de la jurisprudence internationale, oblige à se pencher de la même façon sur les responsabilités des décideurs politiques et militaires pour les crimes commis.
Le siège de Grozny se caractérise par l'immense disproportion entre les armements utilisés par les combattants. D'un côté, il y a l'artillerie lourde, des missiles et un usage intensif de l'aviation. De l'autre, des forces uniquement terrestres dotées pour l'essentiel d'armes légères. En outre, 40 000 civils désarmés vivraient toujours dans la ville, selon les Russes. Des bombardements sans objectif militaire clair a fortiori s'ils visent des zones civiles sont des crimes de guerre. M