«Des personnages de Bresson, on a souvent souligné leur
intransigeance, leur solitude, et, pour les principaux, leur jeunesse. Mais le plus étrange, c'est que très souvent on ne sait pas d'où ils viennent. ["] C'est comme si, à l'égal des lieux, ils participaient d'un monde qui n'est pas achevé, dont ils n'ont pas encore reçu leur nom» («Robert Bresson», par Philippe Arnaud, Cahiers du Cinéma 1986).
Si tous ces personnages (ou plutôt tous ses «modèles») campaient immédiatement une intransigeance de décalés notoires et d'exclus des normes, c'est que cette question de la provenance silencieuse est elle-même transposable à Bresson: d'où vient Bresson, d'où vient son cinéma qui ne ressemble à nul autre? Avant de devenir un monument, Bresson a laissé des traces, et les rats de cinémathèque qui ont eu l'occasion de picorer dans ses carnets de classe ne peuvent plus croire à la seule spontanéité de ce cinéma prétendument sans origine. Bresson aussi a été petit. Et même faible. Bresson a donc été humain, et c'est au fond rassurant. Bresson a eu une famille esthétique, une famille de cinéma comme on les connaît, mesquine et/ou saltimbanque, avec laquelle il s'est finalement brouillé. C'est que Bresson savait regarder et écouter. Il apprit donc sur le tas à se fâcher (avec le cinéma, avec l'esthétique absente, avec le commerce).
Prévision. Bresson aura d'abord été un assistant passif, sur quelques films français des années trente: les Jumeaux de Brighton (Heymann, 1936) par exemple, un