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Libération
Éditorial

Racisme tropical.

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publié le 25 décembre 1999 à 2h19

La transition du paternalisme seigneurial et corrompu au

multipartisme démocratique est un art difficile. Malheureusement le président Henri Konan Bédié n'a jamais rien eu d'un artiste. Pas étonnant donc que cet apparatchik aussi laborieux qu'entêté ait conduit son pays dans une impasse catastrophique. Personne n'avait certainement prévu que la crise majeure naisse de la revendication de quelques centaines de militaires en mal de solde et de prime. Tous les bons connaisseurs de cet ex-fleuron de l'Afrique francophone mettaient en garde depuis des mois déjà contre les risques de guerre civile propagés par la campagne xénophobe déclenchée par Konan Bédié: en exaltant l'«ivoirité», le terne successeur d'Houphouët-Boigny jouait avec le feu dans un pays divisé entre musulmans, animistes et catholiques. Et aussi avec le crime, car près d'un tiers de la population ivoirienne est ou passe pour être d'origine burkinabé. Plus grave, si l'on peut dire: le long silence de Paris face à cette sorte de racisme tropical n'a pu qu'encourager Konan Bédié à persévérer dans sa funeste entreprise dont le but était double: désigner aux «vrais» Ivoiriens des boucs émissaires pour leur faire oublier les difficultés économiques, mais aussi se défaire d'un vieux rival, Alassane Ouattara, en l'excluant de la prochaine élection présidentielle sous prétexte de nationalité «douteuse». Intervenant dans un tel contexte, la mutinerie ne pouvait que virer à la tentative de putsch. D'autant plus que le général