Jean-Pierre Vernant, philosophe helléniste, vient de rejoindre les
signataires de l'appel «Arte en danger», publié le 11 janvier dans «Libération» (1).
«J'ignorais tout de l'affaire, je revenais de Belle-Ile où je m'étais occupé du mazout et des oiseaux quand j'ai reçu un coup de fil de Bourdieu qui m'a proposé de signer la pétition pour «sauver Arte». J'ai demandé à comprendre et j'ai donné mon accord.
Parmi les chaînes de télé, j'aime bien Arte. Dès le départ de cette chaîne, pour moi, Bourdieu ou Duby étaient des garants non seulement et c'est fondamental d'une certaine indépendance par rapport aux pouvoirs politiques et aux Etats, mais également d'une certaine exigence de tenue sur le fond, et une hauteur de vue par rapport à l'actualité. Je pense que les chaînes publiques sont très importantes et par conséquent je suis d'accord avec tout ce qui semble pouvoir les renforcer, mais pour autant j'ai le sentiment que chaînes publiques comme chaînes privées se trouvent également assujetties, quand ce ne serait que pour des raisons de concurrence, par des impératifs d'écoute, de finances, par l'idée qu'on se fait des goûts du public.
Le résultat, c'est qu'Arte, qui a été très critiquée au départ, m'est tout de suite apparue comme une chaîne différente des autres. Elle diffusait des éléments d'enquêtes que les autres n'auraient pas passés. Il suffit par exemple de prendre le journal d'informations d'Arte (Arte info): les événements ne sont pas jugés à l'aune d'un petit point