«Mon seul rival, c'est Snoopy.» Kennedy ou Clinton auraient pu
adopter la formule de De Gaulle consacrée à Tintin. Avec la différence d'échelle qu'impose l'Amérique: la célébrité du chien «pascalien» de Charles Schulz est sans commune mesure avec celle du héros de Hergé. Snoopy, compagnon fidèle de Charlie Brown, c'est Milou qui volerait la vedette à son maître.
Si Snoopy est le personnage emblématique des Peanuts, c'est qu'il change d'identité comme de chemise. Charles Lindbergh ou Bill Gates, Woody Allen ou Michael Jackson, selon son humeur. Snoopy alterne les crises d'abattement existentiel et les hystéries métaphysiques, butant sur la page blanche chaque fois qu'il se prend pour un écrivain. Plus que Charlie Brown, qui porte le prénom de son créateur, il est l'alter ego de Charles Schulz. Et préfère se réfugier dans ses rêves plutôt que bousculer la réalité. Au pays de Disney et de Spielberg, dans un monde clos où les adultes n'ont pas leur place, Snoopy est victime du syndrome très américain de l'identité démultipliée.
En dessinant la chronique des tracas de la vie courante, des chagrins et des brimades d'une bande d'enfants, Schulz a révélé une Amérique presque autiste à force d'être recroquevillée sur elle-même. Une Amérique qui a recours à une psychanalyse de bazar pour retrouver le confort du cocooning. Une Amérique indifférente au reste du monde. Linus, le surdoué névrosé, Lucy, la garce triomphante, comptent plus que Charlie Brown, trop boy-scout, trop tendre. On a