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«En me penchant sur l'eau, j'ai été pris à la gorge». La Tisa, deuxième cours d'eau hongrois, est sinistrée. Un pêcheur raconte son cauchemar.

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publié le 17 février 2000 à 22h46

Szolnok, envoyée spéciale.

Il sort un seau de la camionnette où sa barque en aluminium est au sec depuis plusieurs jours. Un poisson gros comme une main y frétille. «Voilà ce que j'ai pêché hier, dans un bras mort de la rivière», raconte Mezza Kovak, pêcheur à Szolnok. Depuis que le cyanure a ravagé la Tisa, il y a une semaine, Mezza ne veut pas perdre espoir. Hier, des carpes élevées en aquarium ont survécu quelques heures dans la rivière avant d'être transportées dans un laboratoire de Budapest pour expertise. «On attend les résultats», explique le pêcheur qui, pour tromper l'ennui, relève les dernières nasses et raccommode ses filets.

Vivre sans pêcher? Impensable. «La rivière est toute ma vie. Mon arrière-grand-père était pêcheur, on est une dynastie, et j'espère que mon fils le sera aussi.» Le visage rond et paisible, Mezza, 48 ans, navigue sur la Tisa depuis ses 16 ans. Après la vente de sa pêche et tous ses frais payés, il lui reste 30 000 forints (environ 800 F) pour faire vivre sa famille. «L'argent n'est pas le plus important. La pêche est ma passion et je ne conçois pas la vie autrement.»

«L'eau était blanche.» Mezza se souvient du jour cauchemardesque où la vague de cyanure a déferlé. «En me penchant sur l'eau, j'ai été pris à la gorge par l'odeur d'amande amère et ma bouche s'est noircie. L'eau était blanche de sandres et de brèmes qui palpitaient encore. Seuls les poissons à l'agonie sont remontés en surface, et les cadavres sont encore au fond. De toute façon, en