De temps en temps, Lionel va dans son garage. A tâtons, il ouvre la
porte, tourne autour de sa caravane, puis se met au volant de la voiture, démarre. Mais il ne conduit plus. Lionel a 47 ans, il est aveugle depuis onze ans, il ne veut pas qu'on donne son nom. Deux accidents de travail l'ont successivement privé de ses yeux. Et le médiateur de la République vient de le rétablir dans ses droits. Jusqu'à cet été, la caisse d'assurance maladie ne lui versait que 70% de rente, à cause d'un mode de calcul absurde (1). Pour obtenir 100%, il aurait fallu que Lionel se crève les deux yeux en même temps. Alors, après avoir usé tous les recours légaux, il a eu recours au médiateur. Une histoire exemplaire.
Drôle de calcul. Lionel avait commencé à travailler vers 14 ans, comme électricien. A 21 ans, il est devenu couvreur industriel. Il travaille pendant quatre ans sur les toits d'entrepôts et d'usines, pour une entreprise nantaise. Survient le premier accident. Le 18 avril 1977, Lionel se trouve au sol à une quinzaine de mètres d'un collègue qui démonte une charpente métallique. Soudain, d'un coup de marteau, le copain brise une pointe, et Lionel reçoit un éclat d'acier dans l'oeil gauche. Hôpital, opérations, repos. L'oeil gauche est perdu. La caisse d'assurance maladie lui reconnaît 30% d'incapacité. Intervient alors le drôle de calcul: 30% divisés par deux font 15%. Pour l'instant, Lionel touche donc une rente équivalant à 15% de son salaire. Il reprend le travail pour la même entrep