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Libération
Éditorial

Le salaire spéculé.

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publié le 1er avril 2000 à 0h21

Le développement économique est un brin espiègle avec notre pays: la

société française se met en réseaux, s'ouvre au Net et s'initie en masse aux délices de la spéculation, au moment où les valeurs boursières de la nouvelle économie jouent aux montagnes russes. Pied de nez accessoire. Le Yo-Yo boursier de ces derniers jours ne doit pas en effet masquer le principal: en France, à l'instar d'autres pays, le boursicotage est en passe de devenir un sport national, que l'explosion du numérique rend plus massif et plus dynamique. Un sport certes réservé à un nombre restreint, mais dont le cercle ne cesse de s'élargir. L'actionnariat populaire à la Balladur et les vieilles lunes gaullistes de la participation paraissent surannées devant ce vent de lucre. La technologie a libéré les appétits. Jospin et Fabius, avec leur projet de loi sur l'épargne salariale, ne feront qu'accompagner un phénomène qui n'a pas besoin d'eux pour croître et embellir.

Ce n'est pas le krach qui menace, mais c'est peut-être une société nouvelle qui s'installe. Une société toujours salariée dans son rapport au travail, mais plus seulement salariale dans ses sources de revenus. Il faudra probablement s'y faire: il y a dorénavant plusieurs façons de «gagner sa vie». Pour ceux qui cherchent à comprendre ce «nouvel esprit du capitalisme», le raccourci est saisissant: on connaissait le salaire différé, il faudra se faire au revenu spéculé. Sur la dernière décennie, on savait l'actionnaire beaucoup mieux loti que le