Un pavillon de Vigneux-sur-Seine (Essonne), en octobre 1942. La
police française s'apprête à débarquer chez les Klejner, marchands de bonneterie sur les marchés. Au collège, Jo, 14 ans, entend le directeur lui accorder «la permission de sortie». Jo file chez lui et voit ses parents pour la dernière fois. Pour eux, ce sera Drancy, puis la mort. Pour lui, le fils unique, c'est la fuite en Bretagne.
En juillet 1943, Jo retourne dans la maison de famille. Sur le pavillon, des scellés posés quelques jours après la rafle. Jo défonce la porte avec une idée en tête: «Prendre un paquet de photos de mes parents, je n'en avais aucune.» Sur la table, il s'en souvient encore, leur dernier repas croupissait, «des os de lapin sous les toiles d'araignée». Aux murs, Jo ne prête pas attention aux deux toiles de maître, pas plus qu'«aux meubles de style» dans les pièces: «Louis XV dans leur chambre, Louis-Philippe dans la mienne et Louis XVI dans la salle à manger.» Logique, dit-il, «à l'époque, je pensais plus à jouer aux billes». Même s'il parle souvent, aujourd'hui encore, de son «petit lit en cuivre».
Voisins pilleurs. Jusqu'en 1941, le commerce des parents de Jo roulait, et «plutôt très bien». Plus tard, quand il fera des recherches aux Archives nationales, il retrouvera tout. Chiffre d'affaires (150 000 F de l'époque) et stock (9 000 F): «C'est ce qui nous sauve, les petits fonctionnaires d'alors notaient tout», comme ces agents préposés à l'«aryanisation des commerces». Celui des Klejner