Jamais famine n'aura été à tel point prévue, annoncée et dénoncée"
avant même d'exister réellement. Tant mieux! Si les choses empirent, si la dure disette en Ethiopie tourne à la vraie catastrophe, il sera impossible de s'en excuser sur le dos de la fatalité. Quand l'opinion a pris conscience de l'ampleur de la famine qui a ravagé le pays en 1984-1985, il était bien tard, trop tard pour beaucoup. Désormais, le réseau d'alerte, à la fois scientifique et humanitaire, est assez précis et efficace pour qu'il soit possible de prévenir une catastrophe majeure.
Et pourtant l'Ethiopie est bel et bien au seuil d'une telle dégringolade. Même si la situation actuelle est moins pire que le laissent entendre, de manière intéressée, les officiels du gouvernement ou certaines organisations humanitaires, les préliminaires de la famine eux-mêmes auraient pu, donc dû, être devancés. Et les incertitudes qui menacent toujours l'acheminement de l'aide auraient pu être évitées.
Quoi qu'il en soit des erreurs d'évaluation qui ont pu avoir lieu, la gestion strictement alimentaire de ce genre de crise appartient à l'ordre du possible. Il est désormais relativement facile de faire face aux pires sécheresses et à leurs conséquences. Mais cela serait plus réjouissant s'il ne fallait pas immédiatement y ajouter un deuxième constat: l'incohérence des régimes politiques de fait qui règnent dans ces régions, l'état de guerre à la fois civile et interétatique, ouverte ou larvée, qui est devenu la norme dans l