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Libération
Interview

«Le vrai enjeu: la propriété intellectuelle».

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Bernard Pécoul, Médecins sans frontières.
publié le 12 mai 2000 à 0h25
(mis à jour le 12 mai 2000 à 0h25)

Comment faut-il prendre l'annonce des grandes firmes et de l'ONU?

Toute baisse des prix est une bonne nouvelle en soi. Mais ce qui nous importait surtout, c'est qu'il n'y ait pas de lien entre une baisse des prix et un renforcement de la propriété intellectuelle. Car c'est là que réside l'enjeu majeur.

C'est-à-dire?

On dit toujours que ce sont les frais de recherche qui sont la cause de la cherté des médicaments mais il n'y a aucun rapport automatique entre le coût de fabrication d'une molécule et son prix de vente. Prenez l'AZT: c'est une vieille molécule qui a été recyclée pour une nouvelle indication. Tout le système repose sur le principe de la propriété intellectuelle qui garantit à la firme, pendant vingt ans en moyenne, la production de la molécule. Les règles du commerce mondial ont toujours permis des exceptions, en particulier en cas d'urgences sanitaires. Ainsi le Brésil ou l'Inde se sont lancés dans une production autonome de certaines de ces molécules, comme l'AZT, le DDI, ou le D4T, sans avoir peur des rétorsions éventuelles des labos ou des grandes puissances. A l'inverse, l'Afrique du Sud a reculé, en raison de pressions directes des Etats-Unis et de l'Europe.

L'Europe a fait pression sur l'Afrique du Sud?

Tout à fait, et la France aussi. Jusqu'en 1999, tous ces pays étaient alignés sur la stratégie des grandes firmes, et l'OMS était totalement absente du débat. Il n'est pas choquant que les firmes se défendent"