Menu
Libération

Orphelins de la «muraille». Les jeunes Stéphanois ont du mal à imaginer la vie sans leur HLM.

Article réservé aux abonnés
publié le 27 mai 2000 à 0h47

Saint-Etienne, envoyé spécial.

Samedi, sur le balcon d'Aïcha, la vue va brutalement se trouver dégagée. Elle vit depuis trente ans en face de la «muraille de Chine», une longue et haute barre de près de 300 mètres qui lui bouche l'horizon sur les hauteurs de Saint-Etienne, dans la Loire. Et samedi, en cinq secondes, 500 tonnes de dynamite foudroieront l'immeuble, construit en 1963. Le quartier se prépare et la tristesse domine. Les habitants viennent consoler le pharmacien, qui va rester à quelques mètres du bâtiment disparu. Plus loin, les adolescents passent leurs après-midi face à la barre, à ressasser les souvenirs. «Ça fait longtemps qu'ils en parlaient, dit Nadiri, 23 ans. Mais on n'y croyait pas. On se disait: "Elle est trop massive, ils oseront pas la tomber.» Mais ils ont finalement osé. Et cela donne le plus grand chantier français de démolition.

Les ouvriers ont enlevé les matériaux qui recouvraient les façades. Ils ont déshabillé les murs de béton brut, hérissés des barres d'aluminium qui supportaient les matériaux d'isolation. De larges bandes de tissu blanc entourent la barre, pour éviter les projections. Un autre tissu pend de la cheminée de la chaufferie. Ainsi harnachée, la barre ressemble à un paquebot échoué sur la colline. Les voiles s'agacent au vent et le sabordage approche. Les habitants ont peur du vide.

248 familles pour 500 logements. «Nous, on a connu que la muraille, raconte Nadiri. J'ai 23 ans et ça fait vingt-trois ans que je vis là. Les copains,