Séoul envoyé spécial
«Ma vie est une tragédie», dit Lee Si-mo (1) en jetant un regard à la grande carte de Corée du Nord. Derrière son bureau, une montagne de dossiers concernant des familles déchirées qui endurent le même drame que lui et qu'il tente d'aider. «En Corée, nous sommes dix millions de familles qui vivent comme ça, séparées, depuis un demi-siècle.» Tête grisonnante, traits cernés, M. Lee fait bien son âge: 77 ans. A 30 ans, en pleine guerre de Corée, il décide de fuir sa ville natale de Shinuiju, au nord du pays, laissant derrière lui ses parents, deux soeurs et deux frères. A l'armistice, il se retrouve au Sud. Pendant cinquante ans, il reste sans nouvelles de ses proches, prisonniers du régime communiste. Le rideau de fer qui divise la péninsule à la hauteur du 38e parallèle est alors totalement imperméable. «Impossible d'obtenir de nouvelles, encore moins d'échanger une correspondance.»
Premier contact. Ce n'est qu'en 1998 que Lee réussit enfin à établir un contact. Non sans passer par de multiples intermédiaires: un Coréen naturalisé américain, qui connaît un Chinois d'origine coréenne vivant à la frontière et qui dispose de relations au Nord. Grâce à ce dernier, M. Lee monnaie les services d'un Nord-Coréen qui accepte de poser des questions dans un pays en proie à la paranoïa de l'espionnite. «C'était dangereux, reconnaît M. Lee. Il risquait plusieurs années de camp. Mais il avait besoin d'argent pour manger et j'étais prêt à tout pour avoir des nouvelles de