Longtemps, les Français se sont fichus de leurs prisons. Derrière les hauts murs, on enfermait les récalcitrants, les asociaux, les criminels: cadenassés, invisibles, exclus. Surveiller, punir. Les choses ont commencé à changer au début des années 70 sous l'impulsion des prisonniers eux-mêmes, debout sur les toits de leurs geôles. Les parias trouvaient dans l'émeute un visage.
En 1981, l'abolition de la peine de mort aurait pu être un premier gage d'une humanisation de la condition carcérale. Depuis, de révoltes de taulards en missions parlementaires, la situation ne s'est guère améliorée: prisons surchargées, locaux vétustes, pénurie de personnel pénitentiaire, réformes avortées. Relancé par le médecin chef de la prison de la Santé à propos de l'insalubrité et de l'arbitraire régnant dans l'établissement le plus célèbre de France, puis par l'annonce de l'éventuelle libération conditionnelle de Patrick Henry, qui symbolisa il y a vingt-quatre ans l'abjection de l'abjection (le meurtre d'enfant avec demande de rançon), le débat actuel se focalise sur les longues peines. Un condamné à perpétuité ou à une longue période de sûreté a-t-il une chance de sortir un jour? Est-ce que l'on doit payer toute une vie?
Philosophique, humanitaire, la question l'est, fondamentalement. Mais elle est aussi pragmatique: si l'on veut donner un sens au mot réinsertion, les juges doivent pouvoir, en toute indépendance de l'autorité politique, saisir le moment, le bon moment, où l'on peut donner sa c