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Libération
Interview

«Il y a désormais une légitimation sociale du plaisir»

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Entretien avec le sociologue Gilles Lipovetsky.
publié le 4 août 2000 à 3h11

Philosophe et sociologue, Gilles Lipovetsky (1) est professeur à l'université de Grenoble. Il explique notamment en quoi le rapport à l'argent a changé. Et comment le triptyque spéculation-Bourse-Internet influe sur les nouveaux modes de consommation.

Comment s'explique ce fort regain pour le luxe?

Il y a désormais une légitimation sociale du plaisir qui amène les individus à vouloir ce qu'il y a de mieux et de plus beau pour eux. Hier, il fallait consommer nécessaire. Aujourd'hui, nous sommes dans une société qui vante les bienfaits de l'épanouissement personnel. Alors pourquoi ne pas se payer un restaurant trois étoiles, s'offrir de temps en temps un voyage à l'autre bout du monde? Ce comportement dépasse l'expression d'un accroissement du pouvoir d'achat.

Reste qu'on apparaît par ce qu'on consomme...

La dimension démonstrative de la consommation n'a pas disparu. Mais elle n'est plus son moteur primordial. On a aussi un rapport érotique aux choses. Cette métamorphose participe d'une autre métamorphose: celle du rapport à l'argent, avec pour point de départ les années 80. A l'époque, la société française cesse de diaboliser l'entreprise, le dirigeant et le profit. C'est aussi l'époque de la «starification» des figures marquantes de l'entreprise. Le mot golden boy fait fureur et Bernard Tapie devient un modèle. Aujourd'hui, nous assistons à la continuation de ce modèle entrepreneurial. Avec ceci de nouveau: il tend à imprégner le corps social et à restructurer les attitudes de c