Le visage grimaçant de la vertu, quand elle a la bave aux lèvres, est presque aussi répugnant que les vices qu'elle prétend combattre. C'est un progrès assez récent que la souffrance des enfants victimes d'abus sexuels soit prise au sérieux par la société et que le cocon de silence qui entourait ces faits ait été brisé. Mais cela ne justifie nullement que l'on confonde protection de l'enfance et chasse aux sorcières.
Les crimes sexuels sur des enfants transforment leurs auteurs en une sorte d'espèce maléfique à perpétuité. On punit leurs actes mais la vindicte s'attache à leur être, au-delà des peines judiciaires qui les frappent. Les événements en Grande-Bretagne présentent certains traits des pires racismes délation, intolérance, intimidation, ivresse des mouvements de foule.
Il existe certes une différence entre le racisme et cette inflammation populaire: le juif pour l'antisémite, le Noir pour le suprématiste blanc n'ont pas besoin de commettre le moindre méfait pour déclencher la haine. Les personnes répertoriées sur les listes de la police britannique ont commencé, elles, par enfreindre gravement la loi et à être punies (d'ailleurs de plus en plus durement) pour cela. Mais la manière dont ils ont été cloués au pilori par une presse dévoyée et pourchassés par des voisins décervelés relève des mécanismes irrationnels qui sont au fond des délires racistes. Ils devaient «payer» non pas les faits pour lesquels ils avaient déjà été condamnés, mais le fantasme qu'ils incarnai