Bien sûr, un léger sourire flottera sur le visage du Premier ministre. Evidemment, Matignon entonnera l'air de «on vous l'avait bien dit». Depuis une semaine, habité comme toujours par un sentiment d'injustice à son endroit, Lionel Jospin a lu les commentaires des Cassandre: il aurait tardé à négocier, puis trop cédé, puis eu tort de taper sur la table; il aurait perdu la main; cette fois, c'était sûr, il n'allait pas s'en remettre. Alors, il jubile. Après tout, du premier conflit des routiers de novembre 1997 jusqu'aux grèves dans la fonction publique en mars dernier en passant par le mouvement des chômeurs, la grève à Air France juste avant la Coupe du monde, les ratés du Pacs, l'affaire des paillotes, la démission de Dominique Strauss-Kahn ou encore le caillassage de Bir Zeit, combien de fois n'a-t-il pas entendu annoncer la fin imminente de l'aventure Jospin?
Sentiment trompeur. Quand elles finissent par être démenties par les faits, ces prévisions alarmistes répétées ont un effet pervers: elles apportent au Premier ministre et à son équipe un sentiment de réussite. Sentiment dangereux, car toujours à deux doigts de l'autosatisfaction. Et aussi, dans le cas présent au moins, sentiment trompeur. Cette sortie-là de crise est tout sauf glorieuse pour le pouvoir. Les camionneurs ont repris le travail lestés d'une terrible amertume. Surtout, l'opinion se montre sévère à l'endroit du gouvernement. 67 % des Français «désapprouvent» l'action et les prises de position du Premier m