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Libération

Dans les angles morts des caméras.

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Du côté des journalistes, des scènes du procès qui n'ont pas pu être fixées.
publié le 28 octobre 2000 à 5h54

Ils parlaient, face à la cour d'assises et dos au public. Pour les jurés, les témoins étaient faits de chair et de regards. Pour la salle, de voix difficiles et de gestes devinés. Leurs visages manquaient. Parfois, un profil échappé vers le box, mais rien de plus. La douleur tenait tout entière à la respiration captive. Alors, souvent, nous observions les caméras, tentant d'imaginer ce qu'elles offriraient pour mémoire, dans tellement longtemps. Et gardions pour nous ces instants de rien. Ni capturés pour l'image ni préservés pour les mots. Ce silence d'après témoignage, ce rire nerveux, ces solitudes hors champ.

Lundi 11 mai. Il sourit. Klaus Barbie sourit. L'accusé vient d'entrer dans le box de la cour d'assises de Lyon. Il sourit, rit un éclat de seconde, puis se ressaisit. Murmures dans le public. Alors qu'il s'assied, le mot court en vague. «Il a souri.» A l'interruption, la foule parle de «grimace», de «rictus», de «mépris glacial», cherche un mot ailleurs qu'humain. A son retour, Barbie observe le premier juré qui prête serment, bras tendu à l'horizontale. Silence gêné dans la salle, puis quelques rires échappés. Le juré comprend, rougit, rectifie son geste, abandonne ce salut de mépris pour un mouvement de justice, plie légèrement le bras, hésite de la main. Barbie sourit.

Mardi 12 mai. Aucun nom juif n'est épargné. Les greffiers qui se succèdent écorchent systématiquement le patronyme de chaque témoin. «... zblein? ... sbalein?» Lorsqu'ils se trompent, ils se donnent