Pristina envoyé spécial
En pleine guerre du Kosovo, l'image choc avait fait le tour du monde: Ibrahim Rugova assis à côté de Slobodan Milosevic dont les troupes étaient en train d'expulser des centaines de milliers d'Albanais. Jamais cet apôtre de la non-violence, volontiers surnommé «le Gandhi des Balkans», ne s'est vraiment expliqué sur cet épisode.
Prestige sans soutien. Agé de 56 ans, cet écrivain francophone et francophile, ancien élève de Roland Barthes et grand amoureux de La Fontaine, est pourtant toujours resté très populaire parmi les Albanais kosovars. A leurs yeux, il reste le premier qui osa défier Belgrade après la suppression du statut d'autonomie, en 1989, par Slobodan Milosevic. Il organisa une société parallèle, avec ses écoles, son système de santé, ses impôts et ses élections, où par deux fois, en 1992 en 1998, il fut triomphalement élu président de la «république du Kosovo». Elle avait été autoproclamée un an plus tôt, à l'issue d'un référendum clandestin.
Cette stratégie de non-violence lui assura un grand prestige mais peu de soutiens concrets de la part des chancelleries. Lors de la conférence de paix de Dayton, qui mit fin en 1995 à trois ans de guerre en Bosnie, la question du Kosovo fut délibérément mise de côté. La guérilla indépendantiste de l'UCK, apparue dès 1997, précipita la crise. Ibrahim Rugova et les siens semblaient, dès lors, à la remorque. Washington, après quelques hésitations, décida de jouer la carte de l'UCK, se créant un interlocuteur