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Libération
Éditorial

Kilos de sérieux

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publié le 15 novembre 2000 à 6h35

Si avec tout ça les Français ne retrouvent pas le goût du bifteck, c'est à désespérer de la politique en même temps que des ruminants. Comme pour compenser un certain retard à l'allumage, le Premier ministre en a rajouté dans la quantité, donnant dans le genre encyclopédie de la vache folle, avec ses tenants et ses aboutissants. La France sera désormais le pays le mieux corseté contre l'épidémie, avec un ensemble de mesures qui dépassent en rigueur celles prises dans son épicentre britannique. Tant mieux.

Les kilos de sérieux imperturbable de Jospin ne seront pas de trop pour rattraper les ravages provoqués dans l'opinion par la crainte de l'ESB. C'est à une vraie fable contemporaine qu'on a assisté. La manière dont une étincelle (la présence de traces de farines animales dans certains aliments servis à des bovins) a mis le feu à la plaine, montre le degré d'inflammabilité atteint par l'opinion en matière de sécurité alimentaire. Le risque objectif créé par le «nouveau variant» a été comme multiplié par une suspicion a priori à l'égard de la nourriture industrielle. L'accès à une alimentation abondante et bon marché, comme on ne devrait pas l'oublier trop vite, est une des principales conquêtes de l'époque moderne. De plus, ces nourritures sont dans l'ensemble d'une qualité hygiénique supérieure à celle qui prévalait il y a seulement quelques décennies. Elles sont pourtant mal aimées (la crainte de l'ESB se greffe d'ailleurs sur une consommation déclinante de viande rouge). J