Menu
Libération
Éditorial

Soulever le couvercle.

Article réservé aux abonnés
publié le 28 novembre 2000 à 7h11

Trois milliards de francs, c'est une somme. C'est aussi celle que le groupe Thomson a versée au début des années 1990 à différents intermédiaires taïwanais et chinois pour faciliter la vente à Taipei des six fameuses frégates sans lesquelles Christine Deviers-Joncour n'aurait jamais accédé à la notoriété et Roland Dumas présiderait toujours le Conseil constitutionnel. Les blasés s'étonneront que l'on s'étonne de ces vieilles pratiques sans lesquelles nos arsenaux ne seraient plus ce qu'ils sont: comment vendre des armes sans arroser, donc sans corrompre les acheteurs? Surtout qu'il s'agissait aussi, dans cette affaire, d'apaiser au passage les crises de conscience de hauts fonctionnaires de Pékin, officiellement indignés de voir la France contribuer à armer Taiwan la rebelle. A supposer que l'explication soit recevable, elle ne l'est plus du tout du moment où une bonne partie des 3 milliards de francs en question a été rétrocédée par les premiers destinataires à ce que l'on appelle pudiquement des «décideurs» français.

Dès lors, on peut comprendre l'amertume d'un Roland Dumas: il se retrouve accusé de complicité et de recel d'abus de bien sociaux pour l'acquisition contestée d'une paire de chaussures et de quelques autres broutilles, alors que la justice met bien peu d'ardeur à identifier ceux qui ont le plus profité de la vente de frégates. D'où tout l'intérêt, pour l'ancien ministre des Affaires étrangères mais aussi pour la vérité, de l'action intentée auprès de la justice