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Libération

L'homme qui jongle avec les mots

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Jospin a l'art d'imposer des idées contestées en les renommant.
publié le 12 janvier 2001 à 21h44

Voilà l'opposition qui met de nouveau chapeau bas devant Lionel Jospin. Cette fois, c'est l'«imagination sémantique» du Premier ministre qui la bluffe. N'a-t-il pas rebaptisé, hier, «prime pour l'emploi» le crédit d'impôt dont les bas salaires bénéficieront en septembre pour remplacer la ristourne de la CSG invalidée? Substituer une formule politiquement correcte à gauche à une expression néolibérale en cour à droite, qui hérissait Verts, communistes et une partie du PS, nécessite bien du talent. C'est un Jospin revisité par Boileau qui s'est déployé hier: «Enfin Malherbe vint, et, le premier en France, d'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir.»

Caillassage. Plus que d'autres, le Premier ministre a retenu du poète, et plus sûrement encore de François Mitterrand, homme de verbe s'il en fut, qu'en politique les mots sont tout. Mal employés, ils peuvent déclencher le pire. Comme ce jour de février 2000 où pour avoir qualifié de «terroristes» les actions du Hezbollah contre Israël, Jospin fut caillassé à l'université palestinienne de Bir Zeit et en subit les conséquences jusqu'en France. Les mots sont des armes qui vous explosent parfois à la figure. Jospin le sait qui, en dépit du faux pas sus-cité et de quelques autres («l'Etat ne peut pas tout», à propos des licenciements chez Michelin), doit une part de son succès d'aujourd'hui à son maniement de la langue. «Dire ce que l'on fait et faire ce que l'on dit», avait-il professé en 1997. Il fallait plutôt entendre «dire pour c