Maurice Papon refait surface. Depuis que la police a mis fin à sa cavale en Suisse, en octobre 1999, l'ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde, chargé du service des questions juives de juin 1942 à mai 1944, est en prison. Après un bref passage à Fresnes, il a intégré le quartier des VIP de la Santé, où il purge la peine de dix ans de détention pour «complicité de crime contre l'humanité» qui lui a été infligée par la cour d'assises de Bordeaux, le 2 avril 1998. Mais son avocat, Me Varaut, est reparti en campagne pour obtenir sa libération sur le thème: une démocratie digne de ce nom ne peut garder en prison un homme de 90 ans, «le doyen des prisonniers français et sans doute européens». Contre toute attente, des personnalités, telles que la résistante Germaine Tillion et Robert Badinter, se sont mis à porter cette cause, a priori indéfendable. Et la question est posée: faut-il libérer Papon, au nom de son grand âge, alors qu'il n'a effectué que treize mois de détention?
Associations de déportés et résistants se révulsent à cette idée; leurs avocats s'indignent de voir Papon se camoufler derrière une cause humanitaire; des associations de défense des droits de l'homme embrayent sur la position de Badinter; la ministre de la Justice est embarrassée... La polémique fait rage. Mardi, la Cour européenne des droits de l'homme va examiner une requête, déposée le 10 janvier par Me Varaut, visant à faire condamner la France pour les «traitements inhumains et dégradants»