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Libération
Éditorial

Hécatombe

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publié le 24 janvier 2001 à 22h08

«Et les Grecs se purifiaient tous, et ils jetaient leurs souillures dans la mer, et ils sacrifiaient à Apollon des hécatombes choisies de taureaux et de chèvres, le long du rivage de la mer inféconde» : à quelques biques près, sommes-nous si loin de cette citation d'Homère ? Le grand carnage de vieilles vaches organisé sous la houlette de l'Union européenne a beau ne découler que d'une logique de correction des marchés, il est difficile de ne pas y voir un geste expiatoire, un exorcisme destiné à apaiser le Moloch de l'opinion publique et à rendre son appétit à la cohorte multinationale des mâcheurs de bifteck.

L'impératif purificatoire outrepasse la capacité du système crématoire, provoquant des entassements inouïs de farines désormais inutilisables. L'approvisionnement en protéines animales a longtemps été une hantise de nos sociétés ; il le reste en de nombreuses contrées moins chanceuses. Si, du moins, celles-ci pouvaient profiter de nos encombrants surplus, nous pourrions cacher notre gêne derrière les suaves sentiments humanitaires que nous savons si bien cultiver. Mais c'est impossible, pour d'irréfutables raisons techniques. Il ne nous reste qu'à considérer froidement le sacrifice de deux millions de quadrupèdes, dont le but est de nous rendre confiance en notre destinée de seigneurs et maîtres de la nature.

On comprend que certains écologistes hésitent devant cette campagne d'abattage d'une partie des vaches européennes. On a toutes les raisons de voir dans ce geste l