Directeur de recherche au CNRS, le sociologue Guy Groux est un spécialiste des mouvements sociaux. Il est notamment l'auteur du Conflit en mouvement et de Vers un renouveau du conflit social? Il revient, pour Libération, sur la signification du mouvement social actuel.
Qu'est-ce qui distingue, selon vous, l'internationale citoyenne actuelle des précédents mouvements sociaux?
Les mouvements sociaux des années 60-70, qu'ils soient pacifistes ou écologistes, s'adressaient au pouvoir politique. Aujourd'hui, la particularité des mouvements contestataires réside dans le fait qu'ils s'adressent en priorité à des organismes internationaux. Dans ce contexte, les Etats sont complètement contournés. Il y a un sentiment d'impuissance réel. Les Etats-nations ne se sentent pas plus représentatifs qu'une grande multinationale. Du coup, le politique s'est marginalisé: il n'est plus au-dessus des autres pouvoirs.
Ces mouvements incarnent-ils un risque de populisme ou au contraire un regain de démocratie?
Ils sont très hétérogènes: ils réclament aussi bien la nécessité de protéger les baleines que celle d'une taxe sur les mouvements de capitaux. Les mouvements sociaux des années 60-70 étaient eux aussi hétérogènes, mais maintenant cette diversité est accentuée. Surtout, à travers la multiplicité des critiques, la contestation embrasse tous les sujets. Avant, les mouvements étaient très monothématiques; ils cultivaient la radicalité. Ils militaient pour un projet de société contraire au modèle pro