Les justiciables passent moins facilement les frontières que les capitaux opaques dont Alfred Sirven s'était fait le grand dispensateur. En voulant faire vite, les responsables français ont oublié que l'ancien numéro 2 d'Elf traînait après lui assez de casseroles pour intéresser beaucoup de justices différentes. Le gouvernement philippin a renoncé à poursuivre Sirven pour infraction à la loi réglant le séjour des étrangers. Ce geste aimable, il ne fallait pas espérer que les Allemands l'imitent à leur tour.
D'abord, les tours de passe-passe ne font pas partie des usages de la justice d'outre-Rhin, procédurière et volontiers tatillonne. En outre, l'un des jackpots les plus plantureux volatilisé des comptes d'Elf, à l'occasion de l'achat de la raffinerie de Leuna, s'est trouvé placé au centre de la vie politique allemande, discréditant la vieille garde de la CDU, avec Kohl au premier rang, et apportant une bouffée d'oxygène à Schröder au moment où il en avait le plus besoin. S'il veut bien, Sirven a aussi beaucoup de choses à apprendre aux magistrats allemands.
Aux responsables français, Eva Joly en tête, qui annonçaient l'arrivée de Sirven en France dès lundi, une juge de Francfort chargée du dossier a répondu que la décision du tribunal adéquat pouvait être rendue en quelques heures... ou dans quelques jours. La déplorable affaire Rezala a montré que des juridictions européennes pouvaient préférer leur code de procédure aux urgences de Paris. Pour un magistrat, c'est une plais