L'ingénieur Carmille a-t-il sauvé les juifs de France? C'est la thèse, controversée, d'Edwin Black, selon qui le patron de l'ancêtre de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) pendant la guerre le Service national de la statistique (SNS) aurait délibérément omis de «perforer» les trous des cartes mécanographiques (sur des machines Bull) destinées à repérer les juifs. «La colonne 11, la fameuse colonne qui devait dénoncer les juifs, ne fut jamais perforée les réponses ne furent jamais tabulées», écrit-il. C'est ainsi que les juifs auraient eu en France un sort moins funeste que leurs coreligionnaires néerlandais, où le recensement mécanographique fut complet.
«Numéro Carmille». Carmille fut effectivement un résistant. Arrêté en 1944, il est mort déporté à Dachau. Ce militaire a refusé de travailler en zone occupée, pour éviter que les renseignements collectés, notamment sur la main-d'oeuvre et les jeunes mobilisables, ne tombent aux mains des Allemands. Il travaille, selon Black, à la préparation de la levée en masse pour la libération du pays. Même opinion chez Michel Louis Lévy, rédacteur en chef des Annales des mines. Dans une étude récente, il affirme que «le numéro Carmille (qui deviendra notre numéro de Sécu, ndlr) n'eut aucun rôle dans les arrestations, déportations et spoliations. Aucune bavure n'a été signalée». Bémol tout de même: la «question 11» a été utilisée pour «exclure les juifs des chantiers de jeunesse».
Trois historiens,