Le «minuit» des Editions du même nom n'est pas celui d'un vain fantastique ni l'ombre dont on souhaite masquer quelque laideur. Il appartient à cette nuit où l'on fourbit les armes d'un juste combat. Née de la Résistance, la maison de Jérôme Lindon a poursuivi cette dernière par d'autres moyens et jusqu'à aujourd'hui. Les éditeurs donnent volontiers leur patronyme à leur entreprise et se choisissent une couleur fétiche: le beige Gallimard, le jaune Grasset. Pour la maison qui ne portait pas son nom, l'éditeur le plus individualiste de Paris avait choisi la plus nue, et la plus orgueilleuse, des couleurs: le blanc-blanc.
Sans l'écoute qu'il a su donner à certains auteurs, le visage de la littérature française de la seconde moitié du XXe siècle aurait été un peu différent. Beckett n'aurait pas été exactement le même Beckett, ni le nouveau roman le même nouveau roman. Jérôme Lindon a aussi marqué son époque d'une autre manière. Cet homme discret, dont le visage est presque inconnu, n'a jamais reculé devant les combats du siècle, de la guerre d'Algérie à la défense du livre: il n'a eu de cesse d'imposer la vision la moins mercantile possible du commerce des livres.
Certes, comme d'autres, Lindon a dû prendre en compte les aspects les plus négatifs de la dernière décennie et restreindre ses publications en philosophie ou en sciences humaines. Pourtant, si on pense spontanément «littérature» quand on parle de Minuit, il faut aussi se souvenir que cette maison avec les célèbres col