Changer la vie. C'était un temps, il y a vingt ans, où la France attendait tout de la politique. Même l'idéal, même l'utopie, même l'impossible. Surtout l'impossible. La droite était depuis si longtemps dans les palais qu'elle s'était confondue avec l'ordre des choses. Cela rendait l'époque manichéenne. Le monde était comme un film de Lelouch: les uns et les autres, les bons et les méchants, la gauche et la droite. «On est passé de l'ombre à la lumière», pouvait oser Jack Lang sans craindre le ridicule. D'autres pouvaient croire l'inverse, fantasmer l'arrivée des chars russes à Paris et organiser la fuite de leurs capitaux en Suisse. Dans les deux cas, c'était un bel hommage à la politique, à sa capacité à organiser la cité, à changer la vie, en effet, pour le pire et le meilleur. Vingt ans après, la situation est à l'inverse. La vie a changé la politique. Et l'a déchiquetée.
La France n'attend plus grand-chose de ceux qui en font le métier, beau métier mais voué aux gémonies par une opinion toujours prompte à détester ce qu'elle a adoré. Le manichéisme, lui, n'est plus de saison: gauche et droite, sur beaucoup de sujets, ont du mal à ne pas se confondre. L'alternance est passée par là et repassée par ici. Cinq en vingt ans. Avec, à chaque fois, son lot de promesses non tenues et de chômeurs en plus, son aggravation des fractures, sociale et morale. Une rude cure de désacralisation... La politique peut-elle encore changer la vie? Lionel Jospin va disserter sur la question auj