La commémoration, ça ne se commande pas. C'est le calendrier qui la dicte et l'on peut difficilement s'y soustraire, sauf à être soupçonné d'indifférence coupable au temps qui passe et au sens qu'on doit lui donner. Alors va pour les vingt ans du 10 mai, avec quand même le sentiment d'un certain anachronisme. Ce n'est plus la même société du tout, ce n'est plus la même gauche vraiment (ni la même droite d'ailleurs, mais c'est une autre histoire). Quant au personnage principal de l'événement, on le sait disparu depuis presque un septennat, même s'il nous apparaît encore comme son propre ventriloque dans d'opportunes productions télévisées ou éditoriales.
Ce que l'on retient finalement de cette époque désormais couleur sépia, c'est une nostalgie d'un temps où le discours politique de la gauche au pouvoir était conquérant et ne semblait douter de rien. Ce serait injuste de dire qu'il est aujourd'hui soumis, il est simplement plus modeste. C'est d'abord que les hommes politiques en général et en particulier à gauche, où l'on a volontiers le romantisme du grand changement ont appris ce qu'il en coûtait des illusions imprudemment prodiguées. Et puis, il a fallu se faire une raison: la France n'était pas le phare du monde, ni notre économie un champ d'expérimentation isolable du reste de la planète. Les marges de l'intervention politique n'ont pas disparu; elles sont plus étroites, plus âpres, plus complexes sans doute du fait de la double imbrication mondialisée et européenne de