La nuit tombe. Ils prennent place dans une salle prêtée par la mairie d'Aulnay sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Qu'ont-ils fait pour mériter ça ? Une vingtaine d'hommes et de femmes se réunissent là chaque semaine. Certains ont récupéré leurs enfants, les autres, la plupart, espèrent la fin du placement. Ils ne savent jamais, disent «en juin, normalement», ou «dès que j'aurai l'appartement», tout dépend du rapport de l'éducatrice, des impressions qu'ils feront au psychologue, des sentiments du juge .
L'association Fil d'Ariane ne cultive pas le déni du placement, qui constitue un arrachement parfois salutaire. Elle lutte contre les violences faites à ces familles «à risque», que l'on dépossède subtilement de leurs devoirs et responsabilités. Soixante «bons dossiers», managés par Catherine Gadot, la présidente, dont la fille a été placée pendant six ans. Pas de mauvais traitements, ni d'abus sexuels. De la pauvreté, des drames familiaux, de l'alcoolisme : des placements «provisoires» qui s'éternisent.
«La famille d'accueil, c'est mieux.» On leur fait croire qu'ils sont des parents à part entière. «Madame, a-t-on dit à Solange en 1998, il ne s'agit pas de vous couper de votre fils. C'est un éloignement temporaire, cela permettra à tout le monde de faire le point et de travailler.» Avec le temps et la souffrance, Solange reconnaît qu'elle est devenue de plus en plus agressive envers «son» éducatrice. Elles ne peuvent plus «se sacquer». Ce soir, elle raconte qu'elle a craqué, et c'e