Quand s'échappe le tyrannosaure dans l'archétype du film-catastrophe américain, un scientifique accablé, qu'aucun responsable n'a voulu jusque-là écouter, s'écrie, toujours trop tard: «J'en ai assez d'avoir raison !» Les volutes de fumée au-dessus du World Trade Center me rappellent cruellement celles que j'ai vues s'élever en 1987 autour de notre clinique clandestine de Médecins du monde en Afghanistan central, sous l'impact de roquettes tirées, non par les Soviétiques, mais, déjà, par des militants du Parti islamique (Hezb-é Islâmî), précurseurs directs du mouvement des taliban.
Malgré la protection armée des maquisards qui nous hébergeaient, ces militants prêchaient dans les villages des alentours la haine contre nous autres, humanitaires dits «chrétiens», venus, à les en croire, amputer des guerriers musulmans parfaitement sains, afin de saper la résistance de l'intérieur, en secrète alliance avec l'URSS. Alors responsable des missions de secours de MDM en Afghanistan occupé, je gagnai (huit jours à cheval) le Pakistan pour une entrevue orageuse avec les représentants de mon pays d'origine, à l'ambassade américaine d'Islamabad. Pourquoi, voulais-je savoir, mon gouvernement fournissait-il, à travers l'état-major pakistanais, précisément les lance-roquettes permettant aux partisans de telles organisations de prendre en embuscade nos convois de malades, et de nous tuer? Réponse effarante: «Parce que les Pakistanais nous assurent que ce sont eux les combattants les plus effic