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Libération

«On m'a dit de ne pas regarder autour de moi»

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Jolanda, femme de ménage équatorienne, est volontaire pour nettoyer les débris. Elle témoigne.
publié le 15 septembre 2001 à 0h49

New York de notre correspondant

La frêle silhouette est apparue au détour de Chambers Street, à une centaine de mètres à peine du cadavre brûlant des tours jumelles du World Trade Center. Ombre presque invisible qui avance le pas lourd, cernée par un nuage de fumée de plus en plus intense et qui oblige à baisser la tête pour pouvoir avancer. Tout autour, les pompiers accourent, malgré le danger de voir de nouveaux immeubles s'effondrer. Face à ce souffle chaud qui frappe au visage, Jolanda Castillo s'est appuyée contre un mur, casque rouge enfoncé jusqu'aux yeux. «Je suis là depuis ce matin six heures, explique-t-elle difficilement, la voix rauque presque inaudible. J'ai passé toute la journée dans le lobby de la tour sud, à essayer de nettoyer. Je n'aurais jamais pensé vivre quelque chose comme cela. Quand on est là-bas, on ne sait plus où l'on est. Ce n'est plus New York, c'est une autre planète.»

Passeports pour l'enfer. D'ordinaire, Jolanda est femme de ménage dans un autre borough de New York, le Queens, là où elle habite. Mercredi matin, elle a lâché son travail pour devenir l'un de ces milliers de volontaires qui ont décidé de participer à l'incroyable opération de secours enclenchée au sud de Manhattan. Hommes et femmes sans visage, que l'on croise tout près du brasier, avec un badge et un casque en guise de passeports pour l'enfer. «C'est ma voisine qui m'a prévenue quand cela s'est passé mardi matin. Je partais chez une cliente, mais j'ai allumé la télé. Après, je n'