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Libération

C'est marqué dessus

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publié le 21 septembre 2001 à 0h52

Quand j'étais petit, bien avant Bruxelles, on servait déjà de la crème de fromage aseptisée, dont, avant même que la vache rie, la marque familière s'appelait Port-Salut. Et bien avant la pub, la «réclame» identifiait l'authenticité du produit dans ce bref «slogan» qui anticipait toute potentielle contrefaçon: «Port-Salut, c'est marqué dessus.» Eh bien!, jeunes gens, l'Amérique, c'est pareil. C'est marqué dessus. Lorsque les écrans de CNN affichèrent successivement les bandeaux «America under attack», «America's new war» ou «War against terror», il fallait y lire un programme autant qu'une marque de fabrique de l'information: nommer les choses, c'est se les approprier, et cet exercice est rien moins qu'innocent. Ainsi lorsque l'administration Bush Jr. ­ dix ans après celle de Papa lançant sa «Tempête du désert» contre Saddam ­ baptise «Infinite Justice» l'opération censée répondre aux attentats du 11 septembre. Son intitulé français nous est restitué dans un approximatif «Justice sans limites», qui n'est pas sans évoquer des pratiques plus ou moins sportives (mais c'est toujours de l'entertainment) dont le Yankee raffole, comme les combats «no limits» (en fait, «no rules» ­ non codifiés) de monstrueux pugilistes. Mais «sans limites» pèche en ceci qu'il ne rend pas compte de l'aspiration messianique à la «justice», telle que définie par l'Oncle Sam et son neveu George W. Bush. Dans l'apparentement de «justice» et de «sans limites», on perçoit bien que quelque chose ne va pas.