Il lui faut une place. Mourad n'ose même pas imaginer qu'il pourrait rater ce match. «Je te jure, c'est plus fort que ma vie. Quel jour on est?» Norredine et Salam cherchent mollement la date sur leur Nokia 8210, le dernier modèle. Depuis ce parking à Saint-Denis, on verrait presque le «stade du Mondial». Le 6 octobre, il y a France-Algérie. «Putain, il me faut une place, vite.» Mourad appelle le copain d'une amie qui travaille au service des sports, dans une municipalité du coin. «Il vous en reste une à 130 francs? Trop beau. J'achète.» Il commence à épeler son nom. Alors, à l'autre bout du fil, la voix fait: «Vous vous foutez de ma gueule? Vous êtes arabe, non? Vous vous imaginez qu'on va remplir un stade d'Arabes avec ce qui s'est passé à New York? Vous pouvez déjà être content que le match ne soit pas annulé.» Mourad raccroche. Il y a deux ans, quand la police l'avait arrêté fauchant des survêtements dans le vestiaire du gymnase, il avait hurlé au racisme. Et là, Mourad la grande-gueule ne dit pas un mot. Norredine regarde ses baskets. Salam, le ciel. Il y a deux jours, il portait encore une de ces barbiches à la mode, finement sculptée autour de la bouche. Il l'a rasée. «Je me suis dit: faut pas qu'on me voie trop musulman. ça venait du fond de moi, comme un sentiment, une peur que je n'arrive pas à expliquer et que je n'avais jamais ressentie.»
Calme et culpabilité
Concrètement, à Créteil, à Paris, à Orléans ou à Saint-Denis, qu'est-ce qui a changé depuis le 11 septembre